Interview 

José Anillo : cantaor électrique 

 

Celà fait longtemps que José Anillo chante, et son cv est des plus prestigieux. Il a travaillé aux côtés des Galvan, de Manuela Carrasco, avec la famille Farruco... entre autres. J'ai découvert l'artiste il y a un peu plus d'un an. Son cante m'a de prime abord intriguée par son mélange de douceur et de rage profonde. Etonnée qu'il ne soit pas plus connu, j'ai profité de son passage à Mont-de-Marsan aux côtés de Manuela Rios et Juan Ogalla pour faire plus ample connaissance avec ce cantaor de talent dont on devrait beaucoup entendre parler dans les mois à venir.


José, tu viens de Cadiz, quel est ton premier souvenir du flamenco ?

Mon premier souvenir du flamenco c'est chez moi, dans la maison de ma famille, où l'on écoutait toujours du flamenco, et où nous avons toujours été aficionados. Les premiers souvenirs que j'ai ce sont donc les fêtes que l'on faisait chez moi ou n'importe quel type d'événement familial, qui se terminaient toujours en juerga.

Parle moi de Cadiz...

De Cadiz que puis-je te dire ? Pour moi c'est la terre la plus rayonnante de celles que je connais, et elles sont nombreuses. Cadiz a quelque chose de spécial. Je ne sais pas si ce sont ses habitants, ou si c'est son histoire, ses rues...

As-tu des origines gitanes ? Si oui te sens-tu plus payo ou gitan ?

Même si d'après mon deuxième nom (Salazar), on dirait que oui, en réalité je n'ai aucune origine gitane à ce que je sache. Alors bien sûr je me sens plus payo. Cependant pour moi ça n'influence pas la manière de sentir le flamenco et je n'aime pas faire de distinction entre les payos et les gitans. J'ai eu la chance de travailler avec d'immenses artistes payos et gitans, comme par exemple Carmen Linares et toute la famille Farruco ou encore Manuela Carrasco, et avec chacun d'eux j'ai vécu de bonnes expériences, j'ai appris, et la race n'a pas eu d'importance...

Pourquoi as-tu choisi le cante ?

Je chante depuis tout petit, mais une des responsables du fait que je sois chanteur c'est ma soeur. Car avant de chanter, elle a commencé par danser et c'est elle qui a fait en sorte que je chante pour elle dans les endroits où elle dansait. C'est donc elle qui m'a amené au cante.

Préfères-tu chanter p'atras ou p'alante ?

Je préfère chanter p'alante, mais bien sûr comme j'ai peu d'opportunités, je dois chanter p'atras. Mais je me sens plus à l'aise en chantant pour le baile car je le fais depuis dix-huit ans.

As-tu un palo préféré ?

Non, je pense que non. Je crois que c'est selon le moment, l'humeur ou les sentiments que tu veux exprimer.

Lorsque tu chantes on sent que ça vient de très loin, d'où te vient l'inspiration ?

Oui, ça vient de très profond, ça vient des entrailles, de ce que j'ai vécu dans ma vie.

As-tu un maestro de référence ?

Oui, j'en ai beaucoup. Tomas Pavon, Caracol, Juanito Villar. Presque tous mes compagnons sont des maîtres pour moi, comme David Lagos qui a toujours été une référence pour moi.

Que signifie pour toi la disparition de Chano Lobato ?

La perte d'une histoire vivante des cantes de Cadiz, en plus d'une très belle personne et d'un immense artiste. J'ai eu la chance de travailler avec lui plusieurs fois et d'avoir un contact personnel avec lui, et pour moi c'est une référence pour la façon de chanter les alegrías de Cadiz, et beaucoup d'autres choses.

Jusqu'à quand as-tu été à l'école ? Pour toi est-ce compatible de faire des études et du flamenco, ou bien le flamenco est-il une école en lui-même ?

J'ai été jusqu'à la seconde année de formation professionnelle d'électricité.

Le flamenco est une école aussi, mais une école différente. Je pense que le flamenco ne doit pas aller contre le système scolaire, je pense que parfois c'est beaucoup mieux. C'est que ça dépend des gens et des personnalités, ils peuvent parfaitement être compatibles.

Est-ce que tu lis ? Si oui, quel est le dernier livre que tu as lu ?

Oui, je lis assez. Le dernier livre que j'ai lu s'appelle El Librero de la Atlantida, c'est une nouvelle qui parle de la ville perdue de l'Atlantida et où il y a beaucoup de références à l'Andalousie et à Cadiz.

Quel est ton meilleur souvenir de tournée ?

C'est une des dernières longues tournées que j'ai faîte, en Australie et en Chine. J'y étais avec la compagnie d'Olga Pericet, Marco Flores et Manuel Liñan et accompagnais aussi Belen Maya. C'est une des tournées les plus belles que j'ai réalisées dans ma vie.

Si tu ne pouvais plus chanter que ferais-tu ?

Je jouerais d'un instrument. Je joue un peu de la guitare et de la basse électrique.

Ta soeur Encarna est plus connue que toi, comment le vis-tu ?

Je le vis bien car c'est ma petite soeur. J'ai eu la grande chance d'être le producteur musical de son disque, c'était quelque chose que nous avions parié elle et moi. Ca m'a donné une grande satisfaction. Et le fait que ma soeur en soit là c'est un plaisir, une joie.

Quel a été ton rôle de producteur musical sur le disque de ta soeur "Barcas de Plata" ?

Une de mes fonctions principales en tant que producteur musical était que tous les artistes qui participaient au disque se sentent à l'aise et s'expriment librement. En ce qui concerne ma soeur mon rôle était de sortir d'elle tout ce que, en tant que grand frère, je savais qu'elle pouvait donner et la faire se sentir comme une petite fille dans un conte de fées. Tout ça en plus du travail de beaucoup d'heures en studio fut une grande responsabilité, car ce n'était pas le travail d'une inconnue mais celui de ma propre soeur.

"Cadiz a quelque chose de spécial" 

Tu as composé des letras sur l'album de ta soeur, as-tu l'habitude d'écrire des letras ?

Oui, en fait ce n'est pas la première fois que j'écris quelque chose pour ma soeur. Auparavant j'ai écrit plusieurs thèmes pour un disque intitulé "Nochebuena en la Viña" auquel participaient ma soeur, Miguel Poveda et moi. Récemment j'ai écrit une malagueña pour ma soeur sur l'album "Sangre Nueva" et actuellement je compose pour mon disque...

"Nul n'est prophète en son pays". Que t'évoque cette phrase ?

Pour moi c'est un objectif. J'espère qu'un jour dans ma carrière j'arriverai à ressentir sur ma terre le succès que j'ai connu dans d'autres endroits du monde et où on m'a reconnu en tant qu'artiste et pour ma trajectoire durant toute ma carrière.

Aujourd'hui tu vis à Madrid, mais auparavant tu as vécu à Cadiz et à Séville, quelle différence vois-tu dans la façon de faire le flamenco dans chaque ville ?

La différence c'est aussi la différence de culture et de mentalité de chaque endroit. Par exemple à Madrid il y a beaucoup de professionnalisme, il n'y a pas autant de jalousie que dans le sud. Dans le sud nous sommes un peu plus bagarreurs tu sais. On aime plus être à l'affût de ce que font les autres. Mais à Madrid on vit très bien, très tranquillement, il y a surtout beaucoup d'entraide, beaucoup d'amitié.

"A Madrid il y a beaucoup d'entraide" 

Est-ce que l'Andalousie te manque ?

Non, en réalité non, car je descends à Cadiz deux ou trois fois par mois pour voir mon petit garçon de deux ans et demie. Je suis en lien constant avec l'Andalousie, pour moi Madrid est une province de Cadiz ! plaisante José.

Alors la prochaine étape c'est Barcelone, non ?

Non, Barcelone non. J'ai aussi été à Barcelone, mais je pense que je resterai à Madrid si Dieu veut.

Sur le disque que tu as fait il y a quelques années avec d'autres chanteurs de Cadiz, il y a plusieurs titres de toi, penses-tu que ça aurait pu être un disque solo ?

Non car j'étais trop jeune. Le disque en solitaire je suis en train de le préparer en ce moment.

Justement peux-tu en dire plus sur ton projet de disque ?

C'est un disque traditionnel qui comporte aussi des versions de chansons qui ont marqué des époques de ma vie. Il y a beaucoup de guitaristes, de collaborations d'artistes très connus dans le monde du flamenco et d'autres musiques. C'est un disque qui va raconter plus ou moins ce que j'ai vécu jusqu'à aujourd'hui dans ma vie.

Que penses-tu que les nouvelles technologies peuvent apporter au flamenco ?

Les nouvelles technologies peuvent beaucoup aider la promotion des artistes. Internet aide beaucoup à la promotion. Ca a aussi un côté pernicieux, on ne vend plus autant de disques qu'avant à cause du téléchargement. Mais je pense qu'il faut commencer à vivre avec ça.

Serais-tu prêt à vendre ton disque par internet en téléchargement ?

Je n'ai pas trouvé de maison de disques car dernièrement plus personne ne produit de disque. On doit le faire nous-même. Je pense donc que oui, il se vendra par internet, mais je pense aussi vendre des disques physiques car c'est toujours joli d'avoir l'objet. Cependant, vu comment les choses se passent actuellement le plus rentable sera de les vendre par internet.

Tu es ici pour chanter dans le spectacle "Rios de Ogalla", que penses-tu du Festival de Mont-de-Marsan, étais-tu déjà venu ?

Ca a l'air d'être un festival plutôt bon, au sein duquel nous avons la chance de partager beaucoup de bons moments avec nos compagnons, et aussi qui a une grande répercussion dans le monde du flamenco. Par ailleurs tout ce qui rapproche le flamenco des autres pays me paraît excellent. La première fois que je suis venu c'était il y a quelques années, 7 ans ou moins, et je ne n'avais pas pu autant en profiter que cette fois.

Tu as travaillé avec Rocio Molina, as-tu d'autres projets avec elle ?

Oui, en Septembre nous allons à la Biennale de Rome pour le spectacle "Almario" et quelques autres galas par là-bas.

Comment vois-tu ton avenir ?

Je n'en ai aucune idée, mais j'espère que je continuerai à être cantaor toute ma vie !


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flamenco-culture.com - Murielle Timsit - 07 Juillet 2009