L'interview de la semaine 

José Valencia : la tradition de Lebrija 

 

Il y a un an et demi je vis pour la première fois José VALENCIA, venu accompagner Diego CARRASCO au cours de compas du Festival de Nîmes : et danser une sévillane sur le cante de José VALENCIA c'était déjà quelque chose ! Revu aux côtés d'Andrés MARIN en octobre dans "El Alba del Ultimo dia", le chanteur m'avait impressionnée lors de cette fameuse malagueña en duo avec Segundo FALCON. Mais c'est véritablement au XIIème Festival de Jerez que je me rendis compte à quel point ce cantaor était exceptionnel, et que dire de sa prestation avant-hier soir aux côtés d'Eva LA YERBABUENA. Doublé d'une personnalité ouverte et accueillante, José VALENCIA est un nounours chantant au grand coeur.


José, tu es de Lebrija mais tu es né à Barcelone, quel est ton premier souvenir du flamenco ?

Mon premier souvenir du flamenco est celui de ma maison avec ma famille. Chez moi on célébrait tout type d'événement en chantant et en dansant. Comme je viens d'une famille de transcendance cantaora, chez moi c'était normal d'écouter chanter et de faire des palmas por buleria. Ainsi mes premiers souvenirs sont comme on dit "de naissance".

Quelle serait ta définition du flamenco, et que représente pour toi le flamenco ?

Ma définition du flamenco ? Je ne sais pas. C'est l'expression naturelle d'un peuple qui exprime ses sentiments via une forme particulière, à travers le cante, la guitare et la danse. Dans ce cas si on parle du flamenco que je connais depuis que je suis tout petit, ce que j'ai toujours vu et entendu c'est le cante. C'était quelque chose de très commun, comme manger ou boire. C'était quelque chose qui était toujours là. Ca te fait te comporter de façon différente, et penser de façon différente aussi. Ce n'est pas tant quelque chose qui te change la vie, mais c'est une chose qui est en toi et que tu portes en toi de façon naturelle. C'est difficile d'exprimer ce qu'est le flamenco pour moi, le flamenco c'est ma vie.

As-tu des maestros de référence ?

Oui, il y a un maestro très important, le premier que j'ai eu en tête et qui est toujours présent, c'est Antonio MAIRENA. J'avais 5-6 ans lorsque j'ai découvert Antonio MAIRENA et je me souviens qu'à la maison on avait déjà tous ses disques. Ce fût évidemment une référence très importante pour moi, en plus je pense qu'Antonio MAIRENA est la référence la plus importante que l'on peut avoir pour apprendre certains types de chant, car il a laissé derrière lui un travail plutôt ample : en solea, siguiriya, romance, martinete...il a laissé un éventail très ample pour les gens, les aficionados, pour qui veut apprendre, pour qui veut chanter car il le faisait d'une façon didactique très bonne. Je pense donc qu'Antonio sera toujours mon premier maître le plus important. Ensuite je suis tombé amoureux de La NIÑA DE LOS PEINES, j'ai écouté CHACON, VALLEJO...

Tu as dit que les étrangers voient le flamenco de façon plus culturelle, dans quel sens ?

Dans le sens où ils le voient de façon plus musicale. Comme la langue peut être difficile à comprendre pour eux, je pense qu'ils se fient plus à la musicalité et à la transmission. Ils apprécient le flamenco plus orthodoxe, plus traditionnel, qui est en définitive ce que nous prétendons faire.

Tu as vécu à Barcelone jusqu'à l'âge de 8 ans, quelle est la vie d'un enfant andalou gitan en Catalogne ?

La même que celle d'un enfant gitan andalou à Lebrija. Barcelone est composée de beaucoup d'immigrés andalous. La colonie d'andalous qu'il y a encore à Barcelone aujourd'hui est très importante.

A part ma famille, je fréquentais les aficionados de là-bas, les peñas qui existaient à cette époque où se réunissaient tous les andalous le week-end. Le catalan était obligatoire en cours, et donc le castellano que je parlais était celui de mes parents que j'entendais à la maison. Quand je suis arrivé à Lebrija, c'est ce castellano que je parlais. Après tout ce temps je comprends encore le catalan mais je ne le parle pas, en tout cas ça ne m'a pas influencé dans ma carrière de chanteur.

Pourquoi es-tu retourné à Lebrija ?

Mes parents décidèrent que ça faisait déjà un moment qu'on était à Barcelone et qu'ils voulaient redescendre à Lebrija. Ma jeunesse à Lebrija a été magnifique et pour mon travail ça l'a été aussi. En réalité je me réjouis de ce changement.

Tu as aussi des origines jerezanas, te sens-tu plus Lebrijano ?

C'est que je ne suis pas jerezano, je suis Lebrijano. En réalité je suis né à Barcelone, mais mes racines sont Lebrijanas et je me considère Lebrijano. Je vis à Lebrija depuis 25 ans et je me considère Lebrijano.

J'ai des origines jerezanas car autrefois les gitans dans les campagnes de Jerez et Lebrija travaillaient dans les champs. Ils vivaient dans les fermes et se réunissaient dans les villages pour des occasions spéciales comme les fêtes ou des choses moins agréables comme les enterrements. Alors bien sûr la vie commune entre les gitans de Jerez et Lebrija était quotidienne, et il y avait beaucoup...pas vraiment de mélanges, mais les uns se mariaient avec les autres, certains partaient d'un côté et d'autres de l'autre. Mon arrière grand-père était de Jerez, il était fils unique, et finalement il a créé une très grande famille à Lebrija, une famille qui compte 500 à 700 membres.


"Je n'aime pas travailler,
j'aime chanter" 



Y-a t-il des artistes dans ta famille à part ceux de la branche de Jerez ?

Oui, et même des cantaores de renom. Mon arrière grand-père était cousin germain de Perico EL TITO qui était le père d'EL DIAMANTE NEGRO. Il était aussi cousin germain d'EL TATI qui était le père de TIO BORRICO, de la famille de Paco LA LUZ. Je suis aussi le neveu de Manuel DE PAULA, un cantaor lebrijano. J'ai un lien de parenté avec Miguel FUNI, avec Curro MALENA, Juan MOJAMA...Je viens d'une famille cantaora.

Quelles sont tes relations avec les autres artistes de ton village comme EL LEBRIJANO ou DORANTES ?

Très cordiales. J'ai travaillé avec les deux. Nous avons de très bonnes relations. Ce sont des personnes du village, on se voit, on se croise. Il y a une bonne communion.

Parle-moi de la semaine culturelle flamenca "Giraldilla" qui a récemment eu lieu à Lebrija...

C'est un événement assez important. Ce qui est dommage c'est qu'il tombe à une époque un peu étrange, juste après la Semaine Sainte, alors c'est un peu difficile. Mais ce type d'événement, où qu'il ait lieu est important car il rend hommage aux gens du flamenco. J'ai vu peu de choses cette année, et je n'ai pas pu assister à l'hommage à José MERCE car je chantais ce soir-là.

C'est une mission pour toi de conserver les airs Lebrijanos ?

Ce n'est pas une mission, c'est ma façon d'être. Je ne le prends pas comme une obligation, c'est une chose que j'ai en moi, c'est naturel. Je dois le faire et en plus c'est ce que je fais.

Toi qui est le conservateur du cante de Lebrija, que penses-tu du flamenco-fusion ?

C'est que le mot fusion est difficile à définir. Je ne sais pas dans quel domaine on peut parler de fusion, par rapport au flamenco qui se fait aujourd'hui. Fusionner avec d'autres musiques, ce n'est pas une question de se mettre à chanter et jouer avec une autre personne. Je pense que pour faire de la fusion il faut d'abord se compléter. Je crois que le meilleur à avoir fait de la fusion est Paco DE LUCIA. Car en plus d'être un bon guitariste de flamenco, un connaisseur de la guitare et le meilleur tocaor de l'histoire, il a su se mélanger avec des musiciens d'autres pays, avec d'autres musiques, et arriver à une connaissance complète des autres musiques, il a trouvé comment ouvrir l'harmonie, comment connaître les temps rythmiques...et ça oui, c'est de la fusion.

Je pense qu'aujourd'hui c'est plus du marketing de la part des maisons de disques. Les temps changent pour tout le monde et t'amènent à faire des choses différentes, mais je crois qu'au bout du compte les gens recherchent le flamenco basique que nous connaissons, avec guitare et palmas. On dit que le flamenco n'est pas une mode, il est toujours contemporain, il suit le temps, les temps changent mais il ne change pas. La seule chose qui change ce sont les interprètes, rien de plus.

Valencia, c'est ton vrai nom ?

Oui, c'est mon premier nom. Mon nom complet est José Antonio VALENCIA VARGAS. Comme ce nom dans la région était assez commun et assez flamenco, j'ai décidé de changer mon nom artistique, car avant je m'appelais Joselito DE LEBRIJA. J'ai décidé de réaliser un changement général, dans ma vie professionnelle, ma vie personnelle… et donc j'ai choisi d'utiliser mon nom, rien de plus naturel en somme que de m'appeler José VALENCIA. Ca sonne bien et ce n'est pas prétentieux.

Que signifie pour toi être gitan ?

La même chose que signifierait pour une autre personne qui n'est pas gitane être ce qu'elle est. Je suis très fier, comme un autre serait fier d'être chinois, noir, latino, blanc, juif... Etre gitan dans le monde du flamenco n'est pas forcément un avantage, mais à moi ça m'a ouvert beaucoup de portes, pas de portes artistiques mais beaucoup de portes vers la connaissance, et j'ai pu comprendre des choses à un moment donné plus facilement que d'autres. Je suis gitan, très fier de l'être, mais je suis avant tout une personne, je m'appelle José, j'ai un prénom. Le reste n'a pas d'importance.

Pourquoi as-tu choisi le cante ?

Car c'était la seule chose que je savais faire. J'aime beaucoup la musique, tous types de musique, et j'aimais bien chanter, c'est la première chose que j'ai faîte. Ensuite j'ai essayé de jouer de la guitare, mais je n'y arrivais pas, c'était comme si j'avais un jambon entre les mains. J'aime beaucoup le baile mais quand tu te consacres au cante tu ne peux pas faire deux choses à la fois. Je sais faire la pataita por buleria, et j'adore le baile et chanter pour le baile. J'aime aussi beaucoup la percussion, mais il faut faire ce qu'on fait le mieux. Il vaut mieux faire une seule chose bien que trente normalement.

As-tu des palos favoris ?

Non, je n'ai pas de palo préféré. Pour moi tous les cantes bien interprétés sont bons, sont importants. Je ne crois pas qu'il existe de cante chico ou cante grande. Je pense qu'il y a des bons interprètes, de bons cantaores ou de bonnes cantaoras. Il y a des choses qui musicalement sont plus riches que d'autres, mais parfois un cantaor peut s'exprimer bien plus dans un style simple que dans un style difficile. Je crois que dans le cante tout est bon et tous les cantes sont jolis et ont leur importance et leur difficulté. On ne peut pas dévaloriser un bon fandango ou une bonne malagueña et dire que ce sont des chants moins importants que la solea ou la siguiriya. Une solea peut être un cante beaucoup plus facile.

As-tu déjà chanté une petenera ?

Jamais.

C'est à cause de cette légende qui dit que ça porte malheur ?

Je suis un peu superstitieux oui. Mais s'il faut l'écouter je l'écoute. Autrefois j'étais plus superstitieux, mais avec le temps j'ai appris que la superstition vient de la peur intérieure des gens.

Sais-tu d'où vient cette légende ?

Je n'ai pas de certitudes là-dessus, mais on dit qu'il y avait une femme qu'on appelait Petenera qui faisait perdre la tête aux hommes. Et à partir de là on a raconté une histoire qui ressemble plus à une légende qu'à une véritable histoire, et en réalité beaucoup de flamencos se sont éloignés de ce chant. Cependant Pastora, La Niña DEL LOS PEINES a fait une petenera que j'adore écouter.

Comment choisis-tu les letras avant un spectacle ? Tu improvises ou bien tout est prévu à l'avance ?

En réalité je ne sais jamais ce que je vais faire. En principe j'y pense seulement lorsque je suis sur scène. Je passe du temps à écouter, à étudier, à connaître...j'ai un large éventail où piocher, et la première letra qui me vient je la balance. Il y a des fois où les letras sont imposées, mais quand je vais faire un récital où que je chante seul, et qu'on ne m'impose pas de letra, je ne sais jamais ce que je vais faire. Je laisse un peu tout ça à l'improvisation.

T'es-t-il arrivé d'oublier une letra ? Si oui comment gères-tu la situation ?

Oui. Dans ce cas j'essaye de chanter le plus lentement possible pour penser à ce qui arrive durant les silences. Une fois ça m'est arrivé, et personne ne s'en est rendu compte.

D'où te vient ton inspiration pour chanter avec tant de force ?

Je ne sais pas. Tu t'inspires de la vie, de tes compagnons, de ton entourage, de tes besoins, de ton humeur. Comme c'est une chose spontanée ça dépend aussi beaucoup de ton état à ce moment là, et de ce qui t'entoure, ce qui t'influence. En réalité, je ne pense jamais à m'inspirer, je me laisse un peu porter. Je pense que c'est aussi très important de laisser faire la nature. Nous parlons d'art, et l'art est quelque chose de très versatile, de très volatile, il est là pour surprendre.

Vas-tu transmettre ton art ou le fais-tu déjà ?

J'ai donné peu de cours mais j'aime le faire car c'est une façon très didactique et très directe de communiquer avec les aficionados. Pour qu'ils ne voient pas seulement la beauté de ce qui est sur scène, mais aussi aient un peu de connaissances de ce qu'est le flamenco, tant sur le plan pratique que théorique, que ce ne soit pas seulement tout lumières et microphones.

Tu as travaillé avec beaucoup d'autres grands artistes, quel est ton meilleur souvenir ?

Des souvenirs j'en ai mille. J'ai eu la grande chance de nouer une amitié avec la grande majorité des personnes avec qui j'ai travaillé. Quand tu as travaillé longtemps avec des gens, tu te réjouis de les voir, de partager une discussion, des idées, un verre avec eux...et parler. Et des souvenirs, j'en ai un tas, avec Joaquin GRILO...avec Manuela...avec FARRUQUITO...

Ca te fait quoi de chanter pour Manuela CARRASCO ?

Chanter pour la Reine est difficile. Premièrement car c'est une icône qui est devant toi, comme une légende vivante qui est toujours là après 40 ans, qui continue à être Manuela, celle que tout le monde adore. Je vois l'expression de son visage, ses yeux, je la vois comme on la voit sur scène, l'élégance qu'elle a toujours, la façon dont elle marche sur scène, comment elle te parle. Elle en impose vraiment. Je connais beaucoup de compagnons qui ont chanté pour Manuela et qui ont été destabilisés. C'est une femme qui sans le vouloir en impose beaucoup. Etre à ses côtés est très fort. Il faut le vivre. Moi j'ai eu la grande chance de le vivre et de sortir et voilà. Mais j'ai aussi vu des compagnons qui ont essayé de chanter et au moment de sortir ont baissé la tête. Car quand cette femme te regarde, c'est assez perturbant...tu te dis un peu "attends, où suis-je ?", en vérité c'est incroyable.

A Jerez tu t'es produit presque trois soirs de suite au Théâtre Villamarta, celà t'a-t-il mis la pression, qu'as-tu ressenti ?

Non, aucune pression, car il y a deux ans, j'ai fait huit galas au Festival de Jerez, alors travailler trois jours c'était assez confortable. Ca impose du respect de chanter sur cette terre de cantaores, mais l'art, le flamenco n'est pas fait pour avoir peur, c'est fait pour profiter, sans penser à ce qu'on va dire après sur tes défauts, car sinon, ce ne serait pas moi, ce serait une autre personne. J'aime profiter de ce que je fais, je n'aime pas travailler, j'aime chanter.

Aujourd'hui tu accompagnes Eva LA YERBABUENA ici à Paris, que ressens-tu quand tu lui chantes cette fameuse siguiriya ?

La siguiriya, le tientos, le mirabras, la solea, la buleria, je crois qu'il y a tout. Je connais Eva depuis des années mais cela ne fait pas longtemps que je travaille avec elle, et en réalité c'est totalement différent de ce que j'avais envisagé. J'avais imaginé quelque chose de totalement différent de ce que je vois, et ce que je vois m'enchante. Elle me transmet, me stimule et me libère. C'est une personne qui te transmet de très bonnes ondes, car en plus c'est une femme qui a une énorme personnalité, qui danse, qui te donne une préparation incroyable... Il n'y a personne qui danse comme Eva aujourd'hui, avec le niveau qu'elle a. Si elle est là où elle est aujourd'hui, ce n'est pas grâce à son joli visage, mais car elle a démontré parfaitement après dix années de compagnie qu'elle est une bonne danseuse, une bonne chorégraphe, et qu'elle aime ça.

"L'art est très versatile" 



Tu es souvent en tournée, ce n'est pas trop dur d'être tout le temps loin de chez toi et de ta famille ?

Oui, grâce à Dieu je fais des tournées depuis longtemps. C'est difficile quand je suis loin de chez moi durant une longue période, ma maison et ma famille me manquent un peu. Cependant, je ne pourrais pas rester chez moi deux semaines de suite, je m'ennuie, être entre quatre murs m'oppresse, j'aime avoir ma liberté, et mon travail me le permet.

Tu as travaillé en France avec Pedro BACAN, tu étais à Paris aussi il y a deux ans pour la Semaine de l'Andalousie, nous t'avons vu à Nîmes l'an passé, tu es aussi un habitué du Festival de Mont-de-Marsan, et la semaine prochaine tu reviens avec Javier BARON...tu connais bien la France non ?

Oui, depuis 1991 jusqu'à aujourd'hui je peux te dire que du Nord au Sud et d'Est en Ouest je connais pas mal d'endroits. Et surtout grâce à Pedro BACAN à l'époque où le flamenco en France était peu connu. Pedro a ouvert ici un champ assez grand pour le flamenco. Travailler à l'Opéra Garnier, ce n'est pas n'importe quoi. Travailler au Festival International de Musique d'Avignon...beaucoup de festivals, beaucoup de théâtres d'ici...

Aujourd'hui après tout ce temps on continue à faire les mêmes circuits. Il faut voir tout ce que cet homme a fait pour ouvrir ici le terrain au flamenco.

Parles-tu un peu français ?

Je parle un peu français, oui. Je me défends assez pour tenir une petite conversation, car je l'ai étudié à l'école et ensuite j'ai eu la chance de venir en France et de le pratiquer. C'est une langue qui me plaît beaucoup et j'adore la parler.

Il y a quelques années tu chantais en solo avec Pedro BACAN. On t'a plus récemment vu à Mont-de-Marsan en 2006 et en 2007 au Festival de Jerez tu as aussi chanté en solo, penses-tu qu'à 33 ans tu es mûr pour un véritable carrière solo ?

Ce n'est pas à moi de le décider. Je pense que oui mais... J'ai commencé ma carrière de cantaor en solo, je n'ai pas débuté en chantant pour le baile. C'est dans ce domaine que je me sens le mieux, car je le connais plus. Je chante pour la danse car ça me plaît, je connais les temps du baile, les rythmes, les types, mais ma carrière me destine à être soliste.

Penses-tu qu'il faille gagner un concours pour être reconnu ?

Non. Je crois que les artistes les plus grands de l'histoire n'ont jamais gagné de prix de toute leur vie. Pastora PAVON, Tomas PAVON, Manuel TORRE, Antonio CHACON. On est en train de parler d'icônes du flamenco, des plus grands qu'il y a dans flamenco, et ils n'ont jamais gagné de prix, FARRUCO non plus n'a jamais gagné de prix, et c'était un excellent bailaor. Je pense que les prix à une époque pouvaient t'apporter quelque chose. Mais aujourd'hui un prix, un concours, ce n'est pas une fin en soi. Je pense que c'est le travail qui te fait arriver. La constance, le savoir être, le savoir-faire, savoir clairement quelles sont tes tâches, tes idées, tes pensées, savoir parfaitement quelles sont tes limites, jusqu'où tu peux aller, et essayer, même si tu te trompes. Ce n'est pas une carrière de vitesse, c'est une carrière de fond. Celui qui arrive avant toi, ne reste pas forcément longtemps, à un moment donné il peut aussi tomber. Ceux qui restent si longtemps, c'est grâce à leur constance et à leur travail. Par exemple Eva YERBABUENA qui a une compagnie depuis 10 ans ce n'est pas par hasard. Je pense que les concours peuvent te faire connaître si tu commences, mais sinon ils ne t'apportent rien. Tu dois ensuite démontrer que le prix que l'on t'a donné signifie quelque chose. Combien ont gagné la Lampara Minera sans être artistes dans ce domaine...cela prouve que ce n'est pas si important que ça de gagner ce prix pour ta carrière.

Tu as un projet de disque, non ?

J'ai un projet de disque, je suis dessus en ce moment. Je suis sur le travail d'investigation, j'étudie les chansons, je les prépare, je mets des letras de côté. Et si Dieu veut et que j'arrête un peu de travailler, on commencera à enregistrer bientôt et nous espérons que mon premier travail discographique sorte d'ici la fin de l'année.

Quels sont tes autres projets ?

Mon projet le plus important à l'heure actuelle est ma vie, ma famille, ça c'est le projet le plus important que j'ai. Et être heureux, profiter de la vie, des choses, des gens et arriver à une étape où je me sente heureux avec ce que j'ai fait, aimer les gens et que les gens m'aiment pour ce que j'ai fait, pour ce que je suis, et pouvoir mourir heureux. Simplement profiter de la vie, et tout simplement vivre. Il n'y a pas d'autres choses plus importantes : profiter des bons moments que t'apporte la vie, apprendre des moments difficiles, et aimer les gens, et que les gens t'aiment. Pour qu'au moins ton passage sur terre soit utile.



Questions, traduction, montage audio : Murielle TIMSIT


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Flamenco-Culture.com - 11 Avril 2008
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