Paris Quartier d'Eté : le Flamenco Roi 

XX° Festival Paris Quartier d'Eté 

Le Flamenco Roi 


A Paris depuis vingt ans, le festival "Paris Quartier d'Eté" sort les citoyens de la torpeur estivale et valorise le patrimoine en accueillant les arts vivants dans des lieux symboliques de la Capitale, souvent en plein air, avec parfois des associations inattendues de lieux et de genres. Le flamenco était cette année l'invité d'honneur de la Cour d'Orléans du Palais Royal pour quatre soirs consécutifs. Paris étant privé de festival de flamenco depuis 2 ans - et celà ne va pas aller en s'arrangeant étant donné que le Théâtre de Chaillot n'a pas prévu de flamenco pour la saison 2009-2010 - et l'actualité flamenca ayant été assez calme ces derniers temps dans la Capitale, ces rendez-vous de flamenco tombaient à point nommé, voire étaient salutaires pour ceux qui étaient nombreux à se rendre à la manifestation qui s'est déroulée chaque soir à guichet fermé : les aficionados avides de flamenco, les spectateurs en mal de dépaysement ou désireux de découvrir cet art si mystérieux et ceux revenus récemment de Mont-de-Marsan qui n'étaient pas encore rassasiés. Quatre soirées de flamenco entre le 29 Juillet et le 1er Août, avec le soleil au rendez-vous, ou presque, quelques gouttes de pluie ayant bien failli transformer la Vanguardia Jonda d'Andrés Marin en "Vanguardia Mojada" dès le premier soir.

Majestueux José Galvan


Le seigneur Galvan accompagné par ses chevaliers, les chanteurs David Lagos et Manuel Romero et le guitariste Ramon Amador a ouvert le cycle de spectacles de danse flamenca à la Cour d'Orléans du Palais Royal où une structure métallique qui servait de gradin au public et à la régie avait été spécialement installée. Son spectacle intitulé "Maestria" n'avait pourtant rien à voir avec celui du même nom présenté au Festival de Jerez en mars dernier.


Malheureusement handicapé par son genou suite à un accident survenu sur scène fin Juin à Séville, la figure du flamenco n'était pas à 100% de ses possibilités, et s'excusa de ne pouvoir donner plus au public mais affirma que le coeur y était. Cependant rien que les marquages de José Galvan avec ce port de bras majestueux et sa petite pataita por buleria valaient le détour...! Et puis José a de la ressource. Certes il ne pouvait pas exécuter de vueltas sur ses baile por buleria et solea, mais lui qui a été aussi chanteur à ses débuts en a profité pour donner de la voix avec David Lagos et Manuel Romero assis autour d'une table dans une ambiance très tabanco. Une prestation un peu courte avec beaucoup d'Arte qui a laissé plus d'un spectateur sur sa faim, mais les jours suivants, la formation plus rôdée a semble-t-il mieux géré le temps imparti.

Andrés Marin, la constance


Le chevalier noir Andrés Marin, égal à lui-même, présentait son spectacle Vanguardia Jonda qui semble être en fait une version "light" d'une autre de ses créations, El Alba del Ultimo Dia, toujours avec Salvador Gutierrez, Segundo Falcon, Antonio Coronel et Pablo Suarez, mais sans la fameuse échelle et sans José Valencia. Une ode à trois Cafés Cantantes mythiques racontée par un baile précis, et portée tout du long par le cante de Segundo Falcon. Le Chinitas de Malaga, le Kursaal de Séville, le Suizo de Grenade sont passés au peigne fin par un danseur qui cherche constamment à recréer le baile du passé, un artiste dont la danse est toujours chargée de sens. L'impression de déjà vu n'entâche en rien la qualité du spectacle et de ses protagonistes. On soulignera encore une fois la maîtrise des percussions de l'excellent Antonio Coronel.

Rafaela Carrasco envoûte le public


La princesse Rafaela Carrasco était entourée des chanteurs Antonio Campos et El Pulga, des guitaristes Jesus Torres et Cano, et de l'exceptionnel percussionniste madrilène Nacho Arimany. Elle changea de tenue plusieurs fois au cours de la soirée, pour le plus grand bonheur de sa cour. Robe en satin noir, bata de cola bicolore, pantalon à taille très haute avec chemise colorée, la belle de Séville s'illustra por granaina, tanguillo, fandango, et dans une solea chorégraphiée par Manuel Liñan. Le baile de Rafaela Carrasco n'est pas effectiste comme beaucoup de ce qu'on peut voir actuellement. Le geste est pur, les lignes sont sobres, l'intention est sincère. Ce petit bout de femme arrive à créer beaucoup d'émotion en en faisant peu... c'est fort, moderne, généreux.


On est tellement habitués à voir Antonio Campos accompagner la danse qu'on avait presque oublié qu'il était aussi un excellent soliste. Merci à Rafaela Carrasco d'avoir accordé cette place à cet artiste qui le mérite amplement. Son intervention por siguiriya avec le toque de Cano fut sensationnelle. Celà aurait mérité plus de jaleos, ou des jaleos tout court que l'audience frileuse et peu réceptive au cante n'a pas lancés. Celà nous change de Mont-de-Marsan. Espérons que le programmateur d'un de nos grands festivals flamenco du Sud de la France aura la bonne idée de lui accorder prochainement un récital... Affaire à suivre.


Rafaela Carrasco était aussi entourée de guitaristes faisant partie des meilleurs dans le panorama du flamenco actuel, le talentueux Jesus Torres et Juan Antonio Suarez "Cano", mélodiste créatif qui joue beaucoup vers les aigus et dont l'alzapua est phénoménal, et des percussions de l'étonnant Nacho Arimany qui réalise dans ce spectacle un fabuleux duo avec Rafaela Carrasco.


En résumé, ConCierto Gusto est un spectacle avec beaucoup de goût qui a l'applaudimètre aura été le plus ovationné.



Conclusion, un règne éphémère du flamenco sur la Capitale qui n'aura duré que quatre soirs au bout desquels il dut abdiquer en raison des conditions climatiques. Notre photographe Candice Moise n'a pas pu réaliser les photos initialement prévues, mais qu'à celà ne tienne, elle a plus d'un tour dans son sac et a réalisé des croquis sur le vif des trois représentations, avec un talent certain ! Car dessiner quelqu'un qui danse (et sans lumière en plus) est un exercice plutôt périlleux, alors bravo pour cette façon originale de contourner les aléas de dernière minute.

José Galvan Andrés Marin Andrés Marin Rafaela Carrasco Rafaela Carrasco

Flamenco-Culture.com - Murielle Timsit - 01 Août 2009