Le compte-rendu de la semaine 

Provence, Terre Gitane


Cette journée du 1er Avril s'annonçait pluvieuse, un temps parfait pour aller au cinéma...Du 29 Mars au 1er Avril, l'association "LES FILMS DU DELTA" organisait son sixième Festival "PROVENCE, TERRE DE CINEMA" à ROUSSET, petit village proche d'Aix-en-Provence. La dernière journée du festival était intitulée "PROVENCE, TERRE GITANE".

La journée commença sur une note triste par la découverte du documentaire de CEDRIC CONDOM sur le camp de SALIERS en Camargue, près d'Arles, ou furent internés pendant la seconde guerre mondiale plus de 700 tsiganes, toutes ethnies confondues, dans des conditions déplorables.
Le documentaire fut suivi d'un débat mettant en relief le devoir de mémoire et la difficulté des tsiganes aujourd'hui à trouver un emplacement. Parmi les intervenants, le très volubile GUY-PIERRE GENEUIL, ancien déporté et auteur de l'ouvrage "LA SYMBOLIQUE GITANE", et FRANCK POURCEL, photographe et sociologue qui s'est beaucoup intéressé à la vie des gens du voyage. THERESE CHEVALIER, de l'association "NOTRE ROUTE" annonça à la fin du débat qu'une proposition de loi pour la reconnaissance du génocide gitan durant la seconde guerre mondiale avait été soumise par le député-maire de Marseille Frédéric Dutoit le vendredi qui précédait. BOÏ, Manouche vivant à l'ancienne dans les Alpes de Haute-Provence intervint pour expliquer aux spectateurs qu'il avait de plus en plus de mal à trouver un emplacement pour sa roulotte et ses chevaux.

Les spectacteurs rejoignirent ensuite un chapiteau dressé pour l'occasion pour le "repas gitan" au cours duquel ils purent déguster des calamars frits, un goulash accompagné de riz, et des chichis, le tout accompagné par du rosé et du vin rouge. Avant le repas, le groupe SOL Y LUNA et sa danseuse ANITA contribuèrent à donner une ambiance festive. Sur le parvis devant la salle Emilien Ventre, on pouvait aussi visiter une roulotte tsigane.

L'après-midi vers 14h, les spectacteurs visionnèrent "LATCHO DROM" de TONY GATLIF, magnifique film retraçant l'épopée des tsiganes depuis l'Inde jusqu'en Espagne en passant par l'Egypte, la Turquie et les pays de l'Est, et qui signifie "BONNE ROUTE". Latcho Drom, sorti en 1993, s'est vu décerner au Festival de Cannes la même année le prix "UN CERTAIN REGARD".
A la fin du film, un débat avec RONA HARTNER(actrice et musicienne, égérie de Tony Gatlif), le talenteux tocaor JUAN CARMONA, l'écrivain-peintre GUY-PIERRE GENEUIL et THERESE CHEVALIER de l'association "Notre route", mit l'accent sur les différences entre tsiganes de l'Est et du Sud de l'Europe.

Juan Carmona prit la parole pour dénoncer les idées reçues sur le flamenco et les gitans en expliquant qu'il y avait une différence entre DJANGO REINHARDT qui fait du jazz manouche, les GIPSY KINGS, qui font plutôt de la rumba catalane, et les gitans d'Andalousie, "les calos", qui font du flamenco, en regrettant que la plupart des gens associent le flamenco aux gipsy kings ou au folklore espagnol et les gitans à la roulotte. Il expliqua ensuite que le flamenco était une musique très codifiée et parla de la ville de Jerez où il vécut longtemps en expliquant pour ceux qui ne connaissent pas que Jerez était "La cuna del flamenco" (le berceau du flamenco). Puis il raconta comment étaient nés ses albums SINFONIA FLAMENCA et ORILLAS, révélant que son album orillas était né de sa volonté de chercher les similitudes entre le flamenco et la musique arabo-andalouse et que pour l'album sinfonia flamenca, il avait voulu faire se rencontrer deux mondes totalement opposés : le monde de l'écrit, c'est à dire celui de la musique classique ou tout est sur des partitions, et celui du flamenco, ou la tradition orale prime.

Rona Hartner, d'origine roumaine, raconta comment elle est arrivée, en jouant une tsigane dans le film GADJO DILO, à rencontrer le monde tsigane et tint à rappeler que les tsiganes n'étaient pas seulement musiciens, mais aussi danseurs, poètes...et qu'il était réducteur de dire qu'ils sont seulement musiciens.

Guy-Pierre Geneuil mit en relief le fait que les voyageurs finissaient toujours leur voyage dans les deltas : delta du Rhône, delta du Nil...et que le mot gitan viendrait du mot "Egyptano", l'Egypte par où seraient passés les gitans avant de s'arrêter en Espagne.

Thérèse Chevalier tint ensuite à parler du pélerinage des SAINTES-MARIES DE LA MER en évoquant SARA LA NOIRE, qui est la sainte des gitans, et qui fait l'unité de toutes les tribus tsiganes (le pélerinage aura lieu cette année les 24 et 25 mai).

Pour illustrer le cliché sur les gitans "Voleurs de poules" un des animateurs fit irruption sur le plateau avec deux poules, ce qui déclencha l'hilarité générale mais ne fut pas du goût de tout le monde.

Juste avant la diffusion du film de JEAN-MARIE DAVID, "JUAN CARMONA, LE FLAMENCO A FLEUR DE PEAU", l'animateur de la journée lit un court texte très touchant du flamencologue spécialiste de la culture gitane BERNARD LEBLON, qui n'avait pu être parmi nous en raison de problèmes de santé, et dans lequel il disait, très poétiquement au sujet du flamenco "Si vous vous laissez aller à lui ouvrir un jour le chemin de vos choses les plus profondes, dans cet endroit mystérieux où se tapisse l'énigme du duende, alors, tel le regard de Carmen, il ne vous lâchera plus jamais".

Le très beau et instructif documentaire sur Juan Carmona retrace la vie du tocaor, et montre comment il va réussir à faire se rencontrer le monde de la musique classique et celui du flamenco. Ce reportage fait aussi une incursion dans la communauté gitane lors d'une fête où l'on pouvait par exemple reconnaître je jeune tocaor de Port de Bouc, MANUEL GOMEZ.

S'ensuivit sans interruption le concert du JUAN CARMONA GRUPO, auquel manquaient certains des protagonistes habituels, comme par exemple le bailaor Manuel Gutierrez, alors en tournée avec Chispa Negra. Juan commença avec un solo de guitare, rejoint aux palmas par SABRINA ROMERO et ANTOINE GOMEZ "CADU" pour une fin por alegria. Sabrina chanta ensuite por buleria puis, il y eu un joli duo entre Cadu et Sabrina au cajon, tandis que Juan et son frère PACO CARMONA tapaient sur la table de leur guitare pour marquer le compas. Après un tangos, Juan présenta son groupe, dont le grand musicien de Jazz DIDIER DEL AGUILA à la basse. La magie du flamenco opéra lorsque, à la fin du concert, Juan Carmona invita le groupe SOL Y LUNA ainsi que tous les gitans présents dans la salle à le rejoindre sur scène. Ce fut une belle fin de fiesta, nous eûmes ainsi la bonne surprise de voir arriver sur le plateau l'excellent cantaor marseillais CRISTO CORTES y familia.

Sangria et buffet de délicieuses tapas attendaient les spectacteurs ravis à la sortie du spectacle...je dus partir, mais gageons que la soirée dût se terminer comme à Nîmes par une véritable fiesta gitane.

En ce soir du premier avril, le crépuscule laissait entrevoir une lune pleine, cette lune si symbolique du monde gitan, comme pour rappeler à quel point cette journée nous avait empli de joie, de culture gitane et de flamenco.

Merci à toute l'équipe organisatrice du Festival, aux artistes, intervenants, ainsi qu'aux réalisateurs des films.

Pour voir le site internet de l'association LES FILMS DU DELTA ou seront publiés prochainement photos et vidéos du Festival "Provence, Terre de Cinéma", cliquez ici  Films du Delta

Pour voir le site internet de JUAN CARMONA cliquez ici  Juan Carmona


flamenco-culture.com - Murielle Timsit - Le 01/04/2007