Chacun a son point de vue sur la passion et la façon de l'interpréter. Andrés Marin en a fait un spectacle, où il invite des artistes symboliques du baile et du cante, Concha Vargas, Lole Montoya et José de la Tomasa.

Une fois encore, le bailaor Andrés Marin va loin, très loin, prenant chaque fois plus de risques. Et çà lui réussit. Où est-il allé chercher toutes ces idées ? peut-être grâce au concours de la directrice artistique Pilar Albarracin, qui vient du monde des arts plastiques et l'a guidé dans les choix esthétiques de la création.

Tout débute dans une atmosphère d'intense émotion avec Lole Montoya qui interprète un chant arabe en djellaba, devant un Andrés Marin posé au sol en forme d'araignée, alors que dans le théâtre se diffusent des effluves de fleur d'oranger, éveillant aussi le sens olfactif. Un premier tableau magnifique et saisissant.

La suite est tout aussi surprenante. Après le laud, Andrés Marin introduit le marimba, sorte de xylophone géant utilisé en Amérique Latine, le tuba, la clarinette... des instruments peu orthodoxes qui se marient étrangement avec la danse d'Andrés Marin. Concha Vargas dont la prestation à la Sala Compañia l'an dernier n'avait pas été à la hauteur efface tout de sa présence lumineuse sur la scène du Théâtre Villamarta. Elle danse por tangos dans un duo improbable avec Andrés Marin, puis sur des cantiñas sur le cante de José Valencia, qui rappellent l'époque du clan des Pininis, avant de finir pieds-nus por buleria devant une salve d'applaudissements. Après une intervention de José de la Tomasa por solea avec la guitare de Salvador Gutierrez, Andrés Marin emmène ensuite le spectateur dans une fascinante ambiance de semaine sainte, dansant avec un capirote blanc vissé sur la tête (sorte de de chapeau clonique porté durant les processions), entre deux pasos sertis de bougies allumées qui donnent un bel aspect visuel au tableau. Un des meilleurs moments restera le duo entre Andrés Marin et l'excellent José de la Tomasa sur des cantes de fragua, enclume et marteau à l'appui.

Au délà de toutes les passions du danseur - passion pour le cante, les maestros, passion religieuse aussi - la plus grande passion d'Andrés Marin, qui dans le spectacle mime un oiseau, est sans doute la liberté.

Murielle Timsit