Fernando Belmonte, né à Jerez dans le quartier populaire de l'Albarizuela, est issu d'une grande dynastie taurine. Son oncle était le célèbre Juan Belmonte, et son père et son frère étaient aussi matadors. Il commence très tôt des études de danse espagnole et de flamenco, avec respectivement Maria Perez et Angelita Gomez, et part à Madrid à l'âge de 15 ans, où il suivra l'enseignement de nombreux maestros dont Victoria Eugenia "Beti", José Granero, Juanjo Linares et Antonio Marin. De retour à Jerez après avoir parcouru le monde, il décide de se consacrer à l'enseignement et ouvre l'Estudio de Danza de Jerez. C'est l'un de ses anciens élèves, Joaquin Grilo, qui a eu l'idée de ce spectacle-hommage qui retrace la vie artistique de son maestro. Il en assure d'ailleurs la direction artistique et s'est entouré pour l'occasion de talentueux danseurs comme Alicia Marquez, Angel Muñoz, Christian Lozano, Ursula Lopez et Fernando Galan qui tiendra le rôle de Belmonte en raison de leur ressemblance physique. Cela faisait trente ans que Fernando Belmonte n'était pas monté sur scène. C'est pourquoi le danseur avouait "être très nerveux" la veille de la représentation.

Séance de 21h au Théâtre Villamarta. Nous ne sommes pas à un spectacle de flamenco mais au cinéma. Manquent les popcorns. Après avoir feuilleté le livre de la moitié de vie de Joaquin Grilo quelques jours auparavant, c'est le film de la vie artistique de Fernando Belmonte que le tout Jerez est venu regarder. Dans la première partie on voit Belmonte assis à une table, écouter la musique qui émane d'une vieux tourne-disque, avec des souvenirs autour de lui. Il danse ensuite avec des castagnettes. Si la guerre n'apparaît pas dans la biographie de Belmonte, il en est fait mention au cours du spectacle dans une scène où une lettre défile dans la partie supérieure de l'écran en fond de scène, l'image du dessous évoquant une caserne militaire dans le désert du Sahara. Le martinete avec fusils au lieu de cannes interprété par le trio Muñoz, Galan et Lozano est particulièrement bien fait. Leur zapateado ressemble à une marche militaire, et c'est une casserole frappée par une cuillère en bois qui se substitue à l'enclume et au marteau. Les fandangos interprétés par Carmen Grilo et la Farruca quasi-instrumentale sur laquelle danse Angel Muñoz font référence au ballet qu'il a créé à Madrid. La siguiriya d'Alicia Marquez en bata de cola et avec manton est un grand moment qui évoque les doutes de l'artiste avant son retour à Jerez où on le retrouve au milieu de jeunes enfants en tenue de danse classique et flamenca. Au milieu, un petit garçon aux cheveux chatain clair qui sort déjà du lot et pourrait fort bien être Joaquin Grilo enfant. un sentiment confirmé par la scène suivante qui réunit élève et maestro dans un duo qui restera l'image forte de ce spectacle : Joaquin Grilo emboîte les pas et les gestes de son maestro puis se lance seul dans un magnifique baile por solea qu'il ira jusqu'à remater de ses mains frappées sur une table. Le spectacle se termine par la danse de Belmonte avec une cape, sur la récitation de la letra "La Buenaventura" d'Antonio Gallardo qui la lit en voix off. En voici un extrait :

Sobrino eres de Juan
Y en tu cuna de torero
En vez de manteca y pan
te dieron miel de albero

Jerezano y soberano
Con un algo de gitano
Y un mucho de niño moro...
Pero no veo ni un toro
En la palma de tu mano

Por qué ? porque bien se ve
Que no naciste pa eso
De esperar, a que un burel
Venga y te escalabre un hueso

Tu naciste pa otra cosa
Que te voy a adivinar
Mientras florece la rosa
Occulta del mas alla

Un vibrant hommage rendu de son vivant à un maestro hors du commun. Nombre de spectateurs sont sortis très émus de ce spectacle. Mais il reste encore des maestros à qui rendre hommage. A quand un hommage à une petite dame qui était à toutes les conférences et les représentations, la maestra Angelita Gomez, qui fut elle-même celle de Belmonte ?

Murielle Timsit
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