Le samedi 23 janvier avait lieu au bar du Théâtre de Nîmes à 11h30 une rencontre avec le maestro Fosforito, dernière llave de oro du cante. Une rencontre très symbolique pour les nîmois dont le cantaor a par deux fois marqué les esprits, tout d'abord en 1993 lors d'un concert à l'Odéon à guichet fermé, qu'il renouvellera le lendemain pour les malchanceux n'ayant pu obtenir de billet, puis en 2007 au Théâtre de Nîmes. C'est la présence exceptionnelle de Fosforito à Nîmes qui me décida à aller pour la première au Festival Flamenco de Nîmes, en janvier 2007, emmenant dans mon sillage une demi-douzaine d'élèves du cours de danse que je suivais à l'époque, que j'avais convaincus de l'intérêt de ce programme (d'autant qu'il y avait en plus Enrique Morente le même week-end).

Antonio Fernandez Diaz "Fosforito" remercia les courageux s'étant rendus à la rencontre malgré les 5h de spectacle de la veille, puis l'organisation du festival en nommant François Noël, Patrick Bellito, et surtout Pepe Linares qui était là au tout début de l'aventure et a contribué à créer une aficion fidèle à Nîmes, en soulignant que le public nîmois est un connaisseur qui sait applaudir au bon moment. Comme quelques jours auparavant lors du forum Fnac, Fosforito lut un texte qu'il avait envoyé quelques mois auparavant à son ami Jacques Maigne, auteur du livre Flamenco en Flammes.

La séance de questions de l'auditoire donna lieu à des réponses très instructives. On y appris que le surnom de Fosforito lui avait été donné car son père, également cantaor, qui s'appelait aussi Fosforito, en référence à un cantaor de Cadiz, "Fosforito de Cadiz", dont il imitait la malagueña. Ils étaient huit frères et c'est Fosforito qui a hérité du surnom de son père. Fosforito raconta aussi que le cante nécessitait une préparation de tous les jours et que pour lui chaque soirée était un miracle. Le cantaor a écrit plus de 5000 letras et a été contacté pour les publier dans un recueil, ce qu'il ne souhaite pas pour l'instant. Antonio Campos présent parmi l'auditoire lui demanda des conseils pour les chanteurs de la nouvelle génération dont il fait partie, et Fosforito lui répondit "Le cante a beaucoup de force. Le diamant n'est pas perdu, le cante est toujours là même s'il y a du mouvement. Il y a une trentaine de bons chanteurs dans la nouvelle génération. Il faut faire attention à la respiration, aux vocalises, à la position". José Maria Velazquez Gaztelu, auteur de la série "Rito y geografia del cante", demanda à Fosforito s'il retrouvait l'émotion du flamenco dans d'autres musiques, et Fosforito répondit qu'il y avait de l'émotion quand on transmettait de la chaleur "Il peut y avoir la technique mais ce n'est pas suffisant, et surtout il faut être bien". Pepe Linares évoqua les vertus du flamenco en affirmant que bientôt il faudrait l'écrire phlamenco, avec le ph de pharmacie. Carmen Pulpon interrogea le maestro sur la complicité entre la danse et le chant et obtint cette réponse sans appel : "No se canta al baile, se baila al cante".

Murielle Timsit