Dorantes

Un voyage imaginaire

Dorantes à Arles

Le piano flamenco de Dorantes a fait sensation dans la Cour du Palais de l’archevêché pour un moment des plus précieux. Le piano n’appartient pas à l'esthétique du flamenco et pourtant des pianistes comme Dorantes, Diego Amador, Chano Dominguez ou Pedro Ricardo Miño ont su l’imposer dans cet univers musical. Le piano a apporté au flamenco d’autres harmonies plus complexes mais aussi plus belles.

David Peña Dorantes est l’héritier d’une grande famille gitane qui compte des noms comme El Lebrijano, La Perrata, Pedro Peña, etc… Mais c’est sa musique et son flamenco qui lui donnent sa légitimité. Après avoir baigné dans cette culture musicale flamenca dès son plus jeune âge, il s’oriente vers le piano et étudie solfège, harmonies et composition au Conservatoire Royal Supérieur de Musique de Séville. Il sait, au-delà du flamenco et de la musique classique, enrichir sa musique de mélodies venues du jazz ou d’autres horizons.

Dorantes interprète notamment des musiques de ses deux disques, Orobroy (1998), et Sur (2002). Chaque morceau est une occasion pour lui et ses musiciens de développer de belles improvisations. S’il n’a pas une discographie abondante, ce sont ses prestations sur scène – associations avec d’autres artistes et expérimentations – qui font de Dorantes aussi un concertiste hors pair. L’interaction avec le public rappelle bien sûr le jazz sans s’éloigner du duende flamenco. Comme il le rappelait lui-même, il n’y a pas d’instrument flamenco, et c’est bien le musicien qui apporte avec son instrument un univers sonore flamenco. C’est en revanche le rythme et la rigueur qui confèrent l’expressivité flamenca. Orobroy est le thème éponyme de son premier disque qui l’a rendu célèbre et qu’il joue avec toute la puissance nécessaire pour émouvoir. Dans ses premiers concerts, un chœur d’enfant accompagnait le pianiste et amplifiait l’émotion que l’on peut ressentir à l’écoute de ce morceau. Le texte en Caló, langue gitane, donnera une idée de la charge émotionnelle portée par ce morceau.

“Bus junelo a purí golí e men arate
sos guillabela duquelando palal gres e berrochí,
prejenelo a Undebé sos bué men orchí callí
ta andiar diñelo andoba suetí
rujis pre alangarí.”

“Quand j’écoute la vieille voix de mon sang
Qui chante et pleure se souvenant
Les siècles passés d’horreurs,
Je sens Dieu qui parfume mon âme
Et je sème dans le monde
Des roses au lieu de douleur.”

Mais Orobroy c’est aussi un voyage imaginaire dans une Andalousie, évocation de paysages mais aussi de la tradition, de ses racines familiales. Un morceau d’une grande puissance évocatrice est « Semblanzas de un río », évocation du parcours calme et tourmenté d’un fleuve, aux accents symphoniques.

C’est avec beaucoup de générosité que Dorantes et ses accompagnateurs offrent leur musique : Yelsy Heredia, excellent contrebassiste cubain et Tete Peña aux percussions. Ce récital enthousiasme aussi bien les connaisseurs du flamenco qu’un public venu découvrir un autre univers musical.


Philippe Dedryver, le 13/07/2011

<< Retour au reportage



© Flamenco-Culture.com 2004-2024. Tous droits réservés - Marque déposée - Contact