Samedi 19 mai 2012, Conchi et Manolo présentaient « Lo nuestro », leur nouvelle création, au Centre d'Action Culturelle Georges Brassens de Mantes-la-Jolie. Ils étaient accompagnés d'une figure du cante à Paris, Bastian de Jerez, aux palmas et jaleo, et d'une jeune génération d'artistes aguerris : la bailaora Lorie la Armenia (palmas et baile), le guitariste Stéphane Péron et le sevillan Dani Torres aux percussions. Une première sous haute tension puisque le spectacle était enregistré et filmé pour la réalisation d'un DVD.
Elle est venue de Grenade à Paris à l'âge de vingt ans. Lui est né en région parisienne de parents andalous originaires d'Arcos de la Frontera. Ils se sont rencontrés dans « le métier » il y a 10 ans, et ont travaillé ensemble à plusieurs reprises. Il y a trois ans leur relation professionnelle et amicale s'est transformée en passion amoureuse et continue avec l'exaltation du premier jour. C'est ce que nous racontent Conchi et Manolo dans « Lo nuestro » (le nôtre), 12 thèmes entièrement basés sur leur vécu et dont ils ont écrit la musique et les textes ensemble et dans lequel ils ont souhaité établir un équilibre entre le flamenco traditionnel et des sonorités plus actuelles.
Chaque chanson a une signification particulière et est importante pour eux. L'amour, la tendresse, la souffrance et la joie sont évoqués dans diverses interprétations de palos flamencos : une solea por buleria, une rondeña dédié à un frère disparu et jamais oublié, des fandangos, une alegria, des verdiales, des bulerias, des rumbas, le tout avec une dominante de tangos. La passion est le thème majeur du disque. La passion amoureuse et la passion au sens christique. Le deuil et le manque sont des thèmes chers à Conchi. « Ce sont des chansons mélancoliques très fortes, faites avec le cœur, qui expriment la mélancolie. Je la dégage personnellement et c'est mon chant » affirme-t-elle. Dans ces compositions, Conchi exprime la souffrance et la joie intense(pourrait-elle être autrement qu'intense dans le flamenco ?) avec la même implication. A ses côtés, Manolo accompagne avec attention les deux pôles opposés de cet exutoire.
Le spectacle est conçu autour du chant. Scéniquement et musicalement bien équilibré, esthétiquement soigné, les petites détails sont simples et sautent aux yeux. La première partie incarne un flamenco moderne et pop avec des compositions en majorité festeras. On écoute essentiellement des tangos et des rumbas, des palos que Conchi et Manolo dominent allègrement. Pour la seconde partie, les chemises blanches du rafraîchissant premier set sont remplacées par le noir pour un set plus canastero et plus déchirant. La surprise viendra d'une reprise su-bli-me de « Je suis venu te dire que je m'en vais » de Serge Gainsbourg. Le concert se terminera por buleria, avec l'intervention de Bastian de Jerez al cante et le baile de la flamenquissime Lorie La Armenia qui incarne avec tempérament le sentiment passionné insufflé par le chant de Conchi...
Le chant de Conchi possède des accents profonds et ancestraux. Sans artifices, sa voix racée et magnétique pousse le potentiomètre émotionnel à fond, tant dans un registre douloureux que dans un registre léger : c'est dire avec la même intensité. Il règne une atmosphère concentrée qui progressivement se réchauffe. Pendant le spectacle, le public s'est très positivement manifesté, capté dans le tourbillon de joies et de peines exprimées avec force.
Le duo a réuni autour de lui un groupe d'artistes très à l'écoute. Les palmas et le jaleo, sont avec les percussions, un élèment essentiel selon Manolo. Employant à peu près les mêmes comparaisons culinaires que Moraito à ce sujet : « Les palmas sont comme les épices ; elles viennent relever le plat et lui apporter une saveur ». Lorie et Bastian de Jerez s'en chargent à merveille. Le guitariste Stéphane Péron introduit son compas sous influence de Jerez de la Frontera et les multiples horizons musicaux qu'il a dans les doigts. Aux percussions, Dani Torres illustre avec brio et distinction le soniquete moderne de « Lo nuestro ».
Avec une idée très précise de ce qu'ils veulent exprimer, Conchi et Manolo ont une présence artistique unique. Le flamenco est la musique la plus apte à exprimer l'alchimie de leurs sentiments. Simple et fort, « Lo nuestro » s'offre comme un vécu qui se partage, une affaire intime à portée universelle. « Nous sommes ensemble tous les deux pour faire quelque chose de beau » disent-ils.