Ana Salazar

Desayuno sin diamantes

© Festival de Jerez/Javier Fergo

Cadiz était décidément très bien représentée cette année au Festival de Jerez. Après David Palomar, José Anillo et Rosario Toledo, c'est la polyfacétique et talentueuse Ana Salazar qui portait le flambeau de la Tacita de Plata le 28 février à la Sala Paul. Qui mieux pour fêter le "Dia de Andalucia" que cette artiste complète au tempérament de feu, notamment connue en France pour avoir repris en espagnol les plus belles chansons d'Edith Piaf ?

Desayuno sin Diamantes. Petit-déjeûner sans diamants. Un titre pas commun, qui attise la curiosité. "Desayuno sin diamantes devait être à l'origine un disque, et au final c'est devenu un spectacle musical" confiait Ana Salazar la veille de la représentation, affirmant qu'elle allait à la fois danser et chanter dans le spectacle. Redanser n'était pas forcément évident pour Ana qui, victime d'une fracture à la jambe en 1997, avait alors été contrainte d'arrêter sa carrière de danseuse, puis décidé de se consacrer au chant. Pourtant l'an dernier, lorsque Carlos Carbonell la convie à partager la scène avec lui et Javier Latorre dans son spectacle au Festival de Jerez à la Sala Compañia, Ana reprend ses tacones et c'est le déclic.

Desayuno sin diamantes traite du douloureux problème de la crise en racontant l'histoire d'une diva qui vit une période compliquée de sa vie, tant au niveau personnel que professionnel. Ana Salazar raconte durant près d'une heure et quart une histoire poignante, que l'on soupçonne d'être en partie autobiographique. On la retrouve en tenue de nuit, à l'heure du petit-déjeûner, alors qu'à droite de la scène des robes de flamenco sont suspendues à une penderie mobile. Elle déclare avec ironie "Le travail ? merveilleux, je n'en ai pas !", avant de se lancer dans des tanguillos "de la limpieza", avec foulard autour de la tête, tablier et serpillière. Un excellent moment plein d'humour qui met en relief la présence scénique exceptionnelle de l'artiste, accompagnée notamment par Alfredo Lagos qui a composé la musique du spectacle. Suit un tableau plus sombre où le formidable cante por Tonas de Roberto Lorente accompagne la peine d'Ana, assise l'air dépité contre son dressing. Grand moment d'émotion avant d'accueillir le baile por solea de la danseuse. L'intensité est à son maximum sur ces soleares de Cadiz qu'Ana interprète avec rythme, force et rage, avec toujours le remarquable cante de Lorente. Quelle capacité de transmission... on ne peut que frissonner devant tant d'émotion, et pourtant le public de la sala Paul, fraichement arrivé à Jerez pour la deuxième semaine du festival, semble plutôt réservé.

Le solo de guitare d'Alfredo Lagos permet à Ana de se changer avant de consulter un album photo qui lui arrache des larmes. Mais la mélancolie ne prendra pas le dessus. Après les fandangos, place aux alegrias de Cadiz, chorégraphiées par Charo Cruz, qu'elle interprète de façon très personnelle, et enfin le magnifique "Tiempo" qu'Ana chante avec chapeau à plumes, de sa voix chaude et sensuelle.

La belle musique d'Alfredo Lagos et la qualité des letras - de Jesus Bienvenido, Roberto Terran, Paco Cifuentes et Antonio Martinez Ares - ne font que renforcer l'émotion transmise par la chanteuse/danseuse tout au long de la représentation. Desayuno sin Diamantes est sans doute l'un des spectacles les plus touchants du festival de Jerez cette année. Il a fait se lever le public de la Sala Paul, conquis.

Ana a aussi tenu à remercier l'équipe technique, dont l'ingénieur du son qui a réussi la prouesse d'offrir un son de haute qualité au public, ce qui n'est pas du tout évident dans un lieu comme la Sala Paul, dont les espaces vides sur les côtés ont en plus tendance à faire écho.


Flamenco Culture, le 28/02/2015

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EQUIPE ARTISTIQUE:: Voix, baile et interprétation - Ana Salazar
:: Artiste invité - Alfredo Lagos
:: Percussions - José Manuel Ruíz Motos "Bandolero"
:: Cante - Roberto Lorente
:: Palmas - Miguel Téllez, Noé Barroso
:: Lumières - Roberto Terran
:: Son - Lele Leiva
:: Costumes - Antonio Parra

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