Los pasos perdidos

Merveilleuse Ana Morales

Ana Morales est une habituée du Villamarta qu'elle fréquente régulièrement avec le Ballet Flamenco de Andalucía, mais cette fois c'est son travail personnel qui était ici présenté, une sorte d'adoubement pour cette danseuse dont l'élégance fait l'unanimité.

© Javier Fergo / Festival de Jerez

Une artiste avec son talent et son goût pour les belles choses possède un outil merveilleux pour combattre les tourments de la vie : sa propre créativité. Ana s'est plongée dans une recherche intime de l'essentiel, au delà de toutes les contraintes de cet art, pour suivre pas à pas le chemin de sa vérité. Les pas perdus, sont ceux qu'il faut accepter d'oublier pour mieux retrouver le mouvement instinctif.

Avec la conscience et la précision qu'on lui connaît, Ana construit un spectacle quasi thérapeutique où elle dévoile ses faiblesses, questionne ses peurs et affirme sa volonté de les dépasser. Les costumes sont sombres, la lumière mesurée, il y a peu de place pour le sourire, mais il ne s'agit pas de tragédie, tout au plus d'un excès de pudeur qui bride parfois un peu trop l'émotion. Ana est une bailaora « de derecho » mais aussi une excellente bailarina qui possède un large éventail dans l'expressivité contemporaine. Tout le long du spectacle elle alterne ses champs d'explorations différents et les incorpore à l'esthétique flamenca. On verra ainsi une farruca avec éventail dansée en robe avec de très belles pirouettes arrêtées en arabesque ou des vueltas terminant en attitude passée, un mélange de techniques de baile et de danza qui donnent une légèreté et un charme tout à fait approprié à l'interprétation personnelle de Rafael El Cabeza de la Farruca de Sabicas.

C'est pourtant dans la Soleá que s'est concentrée toute la flamencura de Morales. Avec le soutien de Juan José Amador, dans sa magnifique bata de cola couleur de bronze, elle s'est surpassée en raffinement et « hondura »: port de bras, postures, maniement de la bata, tout est esthétique, les remates sont subtilement amenés, c'est un grand moment du spectacle.

David Coria qui confirme jour après jour sa place grandissante dans l'Olympe des bailaores, est un vieux compagnon de route, il tient parfaitement son rôle de partenaire de ballet dans des duos spectaculaires et de personnage en miroir, en particulier en interprétant seul une guajira menée tambour battant. Même si « Los pasos perdidos » est annoncé comme une suite de danses sans fil narrateur, les liens entre les tableaux sont habilement menés, les procédés scénographiques efficaces, comme le jeu d'ombre projetées qui modifie la taille et la proximité des personnages, ce qui donne à voir deux réalités à la fois. La présence de Pablo Suarez au piano donne une version intéressante de la Malagueña de Lecuona et des possibilités de mise en scène variées autour de l'objet piano, cependant son jeu assez répétitif alourdit parfois certains passages. La Escolanía de Palacios, maîtrise d'enfants, apporte une touche poétique mais c'est encore une fois Rafael Rodriguez El Cabeza qui emporte la palme de l'artiste invité avec ses jacaras brillantes et orientalisantes qui ont transporté le public dans un espace temps différent.

Ana conclut par des tangos del Piyayo sensuels à souhait avant de reprendre le fil rouge du spectacle, l'éventail témoin de son intimité, qui va se refermer dans ses mains.

Le public du Villamarta ovationne le spectacle et chacun de ses interprètes par le désormais traditionnel applaudissement à compás. Dehors l'air est plus léger, plus doux, nous avons vu de si belles choses...


Dolorès Triviño, le 21/02/2016

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EQUIPE ARTISTIQUE:: Baile - Ana Morales
:: Cante - Juan José Amador, Miguel Ortega
:: Guitare - Rafael Rodríguez
:: Piano - Pablo Suárez
:: Percussions - Daniel Suárez
:: Palmas - Roberto Jaén
:: Collaboration spéciale - Salvador Gutiérrez
:: Artiste invité - David Coria

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