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Les sept vies de Pastora Galván

Pastora Galvan

© Festival de Jerez/Javier Fergo

L'époque est aux hommages. Se souvenir des anciens, mettre en valeur leur héritage et boire à la source pure, voilà un langage qui est partagé par grand nombre d'artistes actuels. La démarche de Pastora Galván est sensiblement différente et d'autant plus courageuse que les artistes concernées sont encore en vie, pour certaines en activité et susceptibles d'être dans la salle. « Chapo ! » comme disent les espagnols.

Sévillane, Pastora l'est, jusque dans son vernis à ongle. Naturellement c'est cette école de Séville qui l'a nourrie dès l'embryon qu'elle veut célébrer à travers l'évocation de sept des danseuses les plus emblématiques de cet art, Matilde Coral d'abord maestra incontestée qui a défini les règles de ce style et celles qui furent pour la plupart ses élèves Loli Flores la reine des « palillos », Milagro Mengibar, Carmen Ledesma, sa propre mère Eugenia de los Reyes et Manuela Carrasco qu'elle considère comme la meilleure danseuse actuelle. Elle se glisse donc dans la peau de ces femmes non pas pour les imiter mais pour que leur image se reflète à travers elle. « Intento que huela a esta artista » dit-elle.

Bien plantée à l'avant scène, mains sur les hanches dans sa bata de cola blanche, c'est le parfum d'une Matilde Coral toute puissante qu'elle dégage. Clin d’œil à la coquetterie de la maestra, elle se contemple dans le miroir du public en attendant le top du régisseur. Nous sommes dans le « camerino » et les robes de chaque tableau resteront présentes tout du long. L'Alegría qui est donnée est un pur bijou del baile « de cintura pa' arriba ». Les déplacements sont majesteux, les bras très classiques, aériens, et pas un son de pied, même pas dans les desplantes. On reconnaît Matilde dans ses poses arrêtées, ses genoux hauts et son regard au ciel. Puis vient la Seguiriya avec castagnettes de Loli Flores. Pastora privilégie le compas des palillos et utilise le poids du silence dans une danse de « empaque ». Les Tarantos de Milagro Mengíbar nous plongent dans l'esthétique des années 70 avec sa robe canastera à pois, le tablier et le grand jupon. Les percussions des pieds sont encore assez discrètes et il semble que cela déstabilise une partie du public qui gèle un peu ses applaudissements dans ces premiers tableaux.

C'est avec humour que Pastora introduit l'évocation de sa mère : on voit une Eugenia de los Reyes en retard sur le plateau, pressée par la camériste, s'installer précipitamment sur la chaise dans la posture figée de la danseuse de carte postale. S'en suit une Caña de tablao très dynamique, ou le taconeo s'intensifie, dansée en fond de scène avec les musiciens de dos faisant face à la danseuse. Sensation étrange de saisir une intimité, qui se confirme quand, dans la pose finale, Eugenia se retrouve à côté du manequin habillé en bailaor. Le couple parental est reconstitué.

C'est tout naturellement que José Galván apparaît, ovationné d'entrée par un public avide de son art. La Caña qu'il reprend est un modèle d’élégance et de raffinement. Il danse porté par la ferveur de la salle et ce moment magique relance l'énergie du spectacle. Pastora relève alors le défi de succéder à son père et professeur avec brio et pieds nus. C'est le flamenco des patios de vecinos, la danse naturelle et tellurique de Carmen Ledesma qui l'inspire. Provocante matrone elle déroule le catalogue des coups de bassin, des relevés de jupes et autres pellizcos dans un romance au compas ravageur. « Esta noche mando yo,mañana mande quien quiera » On s'en est bien aperçu !

En matière de maîtresse femme il ne manquait plus que Juana la del Pipa. Dans les Bulerías comme dans les Tangos du final elle pose sa voix rêche avec l'assurance que lui confère son statut de légende jerezana. Le dernier tableau dédié à Manuela Carrasco s'immerge dans la Soleá. Les mains de Pastora découpent l'espace en articulant chaque doigt « como la Diosa manda », la brillante technique de pieds, le torrent de vitalité, les poses toreras, jusqu'au salut de diva, tout contribue à la majesté de la danse. Pour le final por Tangos et Bulerías Pastora apparaît très élégante en robe argentée d'inspiration cabaret, franges en cascade et fendue sur la cuisse. Le cuadro et les invités sont réunis pour un fin de fiesta savoureux mais très construit un final original et plein de tendresse.

Le public fait une ovation telle que José Galvan éclate en sanglots heureusement rasséréné par un baiser de sa fille, de su « peazo de hija », « peazo de bailaora ». Que grandes son los Galvanes !


Dolores Triviño, le 06/03/2015

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EQUIPE ARTISTIQUE:: Baile - Pastora Galván
:: Artistes invités - Juana la del Pipa, José Galván
:: Cante - Miguel Ortega, Cristian Guerrero
:: Guitare - Ramón Amador, Pedro Sánchez
:: Palmas - Torombo
:: Interprétation et palmas - María del Mar Montero ‘La Canija’

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