Rivesaltes

¿Algo más ?

© Emiliano Artigas

C'est la troisième semaine d'août que Rivesaltes devient capitale provisoire du Flamenco et que les meilleurs ambassadeurs de l'Arte se donnent rendez vous sur les planches des Dômes et dans les salles aménagées à cet effet dans l'enceinte du Lycée agricole promu Palais du Festival. Cette année pour la neuvième édition des têtes couronnées par divers prix dans les concours et Festivals espagnols : Alba Heredia, El Choro, Andrés Peña et Pilar Ogalla, La Lupi tous accompagnés par des chanteurs guitaristes et percussionnistes dont le seul nom suffit à allumer des étoiles dans les yeux des aficionados.

Les spectacles ont été formidables, mais ce qui se passe autour pendant cette semaine ne l'est pas moins. Un nombre grandissant de stages accueille les passionnés débutants ou professionnels dans toutes les disciplines : danse, guitare, chant, palmas, cajón, peinture et même depuis deux ans un cours de langue du Flamenco, une exclusivité de Rivesaltes bien utile pour mieux comprendre et s'immerger dans cette culture. Dans la journée le Lycée est donc une ruche bruissante et le moindre recoin est utilisé pour réviser un pas, essayer une « falseta » et partager un chant avec de nouveaux amis. On discute des spectacles à la cantine, on s'hydrate au bar ou on va bénéficier d'un des massages de Nathalie, fée bienfaitrice aux doigts d'or. On traîne devant les boutiques juste avant de craquer pour la jupe de travail, la paire de boucle ou la robe de feria de nos rêves, celle qu'on a vue au défilé de mode flamenca de Fuensanta, une créatrice locale qui s'est donné comme objectif de sublimer la beauté de chaque femme quelque soit sa corpulence, pari qu'elle réussit magnifiquement.

Le soir après les spectacles aux Dômes le parvis du Palais se transforme en bodega, où les amitiés trans hexagonales se développent pendant que sur la scène les meilleurs artistes nationaux se produisent pour le plaisir d'un public composé de connaisseurs et de curieux. Dans la programmation particulièrement équilibrée cette année on pouvait apprécier Vanessa Paez bailaora de Toulouse avec un caractère bien trempé y mucho arte. Le benjamin du festival Lucas El Chaborro avec sa danse estampillée Farruquito a fait belle impression mais c'est Mélodie Gimard &Co qui a surpris et conquis le public par l'originalité de sa proposition « Numen ».

Le numen c'est la puissance agissante des romains, mais pour Mélodie c'est une façon de nommer l'inspiration, sans que ce soit ni féminin ni masculin, parce que cette muse abstraire représente pour elle chacune des personnes ou des événements qui l'inspirent. Sur des planches depuis qu'elle sait marcher, cette jeune pianiste virtuose mêle dans ses compositions toutes les influences que sa nature curieuse et sa formation, d'abord comme danseuse et instrumentiste dans une compagnie de musique traditionnelle puis à l’École Supérieure de Musique de Barcelone, lui ont permis d'engranger. Très vite attirée par le flamenco elle en a fait son axe principal de création et s'entoure de jeunes musiciens talentueux et originaux qui, comme elle, mêlent le flamenco classique à des approches plus contemporaines basées sur les nouvelles technologies comme la loopstation, ce boitier qui permet l'enregistrement de la voix ou d'un instrument et qui le restitue en boucle. Les letras traditionnelles ou tirées de textes de Rubén Darío et Adolfo Bécquer se mêlent aux « compases compuestos » au gré de son inspiration. C'est frais, actuel, intelligent et furieusement flamenco. Une vrai découverte qu'on espère revoir en France, les andalous en sont déjà friands !

Toutes ces belles ondes ont servi de tremplin à des fins de soirées dans l'intimité de la Peña du Festival. Là se retrouvaient les plus mordus et ceux qui avaient envie de frotter leur nouvelles connaissances à celles des autres en se lançant dans le « redondel » pour danser ou chanter. On a pu ainsi voir, le dernier soir, David el Galli prendre une guitare pour accompagner spontanément un vénérable vieillard venu en voisin, à la voix claire et forte et au savoir encyclopédique ainsi que son jeune neveu étonnant de maturité et de connaissances. Le professionnel écoutant respectueusement les amateurs dans un échange chaleureux et rare. On ne pouvait rêver meilleure clôture que cette soirée magique pour ce Festival menée avec talent et opiniâtreté par Amor Flamenco. Lorenzo Ruiz son directeur artistique, Cécile Miquel la présidente et leur armée de bénévoles ont su créer une ambiance familiale appréciée aussi bien par les artistes que par les stagiaires de plus en plus nombreux tous les ans. Beaucoup de chaleur humaine, pas mal de travail, l'enthousiasme indispensable, c'est la recette pour réussir ce tour de force aussi efficace que le smoothie à la banane servi au bar du Festival qui vous requinque un apprenti danseur épuisé en moins de deux ! Pourvu que ce phare éclaire encore longtemps le chemin des amoureux du Flamenco d'ici et d'ailleurs... c'est tout le mal qu'on leur souhaite.


Dolores Triviño, le 01/09/2016

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