Esther Merino & Niño Seve

Quinze ans après

Il y a deux semaines, le public de la peña Flamenco en France a été conquis par les deux récitals donnés par la cantaora originaire d'Estrémadure Esther Merino, accompagnée du guitariste cordouan Niño Seve.

Esther Merino

S'il s'agissait pour la plupart d'une découverte, la première rencontre avec ces artistes remonte à plus de quinze ans pour d'autres aficionados. Lorsque l'on échange avec les flamencos de Cordoue sur la guitare flamenca, le nom de Niño Seve arrive en effet très vite dans la conversation, car il s'agit de l'autre enfant prodige de la guitare flamenca de la province, après bien sûr Vicente Amigo. Et pour cause. Severiano Jiménez Flores "Niño Seve" a remporté à l'âge de seulement 17 ans le prestigieux Bordón Minero du Festival de La Unión qui se déroule tous les ans au mois d'août dans la région de Murcie. Mais il se fait rare hors des frontières ibériques, et la seule fois où Flamenco Culture a eu l'occasion de l'écouter c'était dans une peña à Cordoue à la fin de la première Noche Blanca del flamenco en 2008. Sa venue à Paris revêtait donc un caractère exceptionnel à côté duquel tout bon aficionado ne devait pas passer.

Nino Seve

Quand à Esther Merino, la découverte se fit un an plus tard, dans la torpeur d'une soirée de l'été 2009 au Festival de la Unión, à une heure avancée de la nuit, car la cantaora figurait parmi les finalistes de la catégorie "Cantes de basse-andalousie", parmi lesquels on retrouve notamment les soleas et siguiriyas. Eh oui, il n'y a pas que des cantes de Levante à La Unión. Et la première letra qu'Esther Merino interpréta ce soir-là resta gravée, non seulement dans l'appareil photo-caméra, mais aussi dans la mémoire. Il s'agissait de la siguiriya "El Reniego" attribuée à Antonio El Cagancho. Son interprétation puissante à la manière d'Antonio Mairena, son timbre grave se prêtant bien à ce style, fut un moment exceptionnel justement récompensé par le premier prix de la catégorie.

Quinze ans plus tard, lorsqu'au cours de son récital, Esther Merino annonça qu'elle allait chanter le palo qu'elle aime le plus avec la buleria, on devina qu'il s'agissait de la siguiriya. Mais pas n'importe quelle siguiriya, la même exactement que celle qu'elle avait chantée en 2009, pour notre plus grand bonheur.

Le répertoire de la cantaora est très diversifié. Elle rend hommage à sa terre natale en interprétant des tangos et des jaleos extremeños, des cantes typiques d'Estrémadure. Le Festival Flamenco de Nîmes a prouvé par le passé avec ses grandes soirées dédiées à l'Estrémadure que cette région est une vraie terre flamenca, avec une mine de grands artistes, de Porrina de Badajoz à Miguel de Tena, en passant par La Kaita, Guadiana, ou encore Enrique El Extremeño, entre autres. Esther Merino avait d'ailleurs participé à l'une de ces soirées uniques.

Il y a deux ans, Esther Merino a aussi obtenu la récompense suprême du concours du Festival del cante de las minas de La Unión, la fameuse "Lámpara minera". C'est donc tout naturellement qu'elle chanta por minera, dans le plus pur style de la Union, celui attribué à son cantaor emblématique, Pencho Cros.

Durant tout le récital, Niño Seve était très à l'écoute d'Esther, ne la quittant pratiquement pas des yeux, pour l'accompagner au mieux aussi bien en marquant le compas avec son pied, qu'avec sa guitare aux falsetas discrètes, aux magnifiques arpèges et aux rasgueados énergiques selon les palos, por malagueña, soleares, alegrias, ainsi que des bulerias emblématiques de la Paquera de Jerez.

En résumé un mélange détonant entre la guitare de Cordoue et le cante extremeño. Les deux artistes, très expressifs, étaient heureux d'être là et nous aussi. Un récital fort et généreux de près d'une heure et quart avec des artistes complices et souriants, habitués à se produire sur scène depuis leur plus jeune âge et donc très professionnels et respectueux du public.

Ma voisine de chaise qui était prête à déguerpir au premier ay en apprenant qu'il n'y avait pas de danse, et à qui j'essayais vainement d'expliquer que le cante c'est la base et que c'est très beau aussi, resta jusqu'aux fandangos finaux et filma même un extrait du récital, un miracle !

A noter que les deux artistes s'étaient aussi produits l'été dernier au Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan qui fêtera ses 35 ans cette année.


Flamenco Culture, le 16/02/2024

Esther Merino

Esther Merino

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